

Végétalisation, rooftops branchés: Paris à la conquête de ses toits-terrasses
Partagés, végétalisés, branchés: les toits-terrasses parisiens constituent un vivier de potentiels "espaces de vie" encore sous-exploités, qui fait rêver acteurs concernés et politiques, malgré les contraintes techniques et financières qu'implique leur aménagement.
L'avenir de Paris peut-il s'écrire perché ? Sur les 128.000 toitures recensées par l'atelier parisien d'urbanisme (Apur) en 2022, 18% sont plates, et donc potentiellement exploitables.
"Il y a certainement une aspiration" nouvelle à prévoir des toits "accessibles" et "aménagés" pour les bâtiments neufs comme pour les projets de réhabilitation, soutient Sophie Rousset-Rouvière, déléguée générale de l'Association professionnelle française de la végétalisation de l’îlot bâti et des infrastructures urbaines.
Son association co-pilote, avec le principal syndicat du secteur de l'étanchéité, les "Paris Rooftop Days", événement organisé jusqu'à dimanche pour promouvoir l'aménagement des toits-terrasses de Paris et leurs possibilités en tant qu'"espace de vie", souligne la professionnelle.
Parmi les toits mis en valeur, celui de l'opéra Bastille, exploité depuis 2018 par un projet d'agriculture urbaine mené par l'entreprise Topager.
En tout, 2.500 m2 de toiture ont été mis à disposition pour la culture de "tomates, courgettes, courges, pommes, pommes de terre, petits fruits", liste le maraîcher Arnaud Boudon en arpentant les rangées plantées sur l'un des toits-terrasses du monumental opéra parisien.
Il souligne le potentiel d'un tel aménagement, isolant pour le toit du bâtiment et favorisant le développement d'une biodiversité.
- 2% des toits parisiens -
L'Apur recense 3.500 toitures végétalisées à Paris, soit 2% des toits de la capitale ; un chiffre encore trop bas selon Mme Rousset-Rouvière, qui pointe aussi que 8% des bâtiments neufs en France sont végétalisés aujourd'hui.
En cas de réhabilitation pour des projets de végétalisation, de mise en place de panneaux photovoltaïques ou de sécurisation pour l'accès aux usagers, les travaux impliquent "des contraintes techniques" et "un budget" conséquent, souligne-t-elle, d'où les efforts des "Paris rooftop days" pour les justifier.
Pour autant, des volontés politiques existent pour donner une utilité aux toits-terrasses. Emmanuel Grégoire, candidat PS à la mairie de Paris, les qualifie de "gisement extraordinaire d'espace supplémentaire".
Perché sur le toit du collège Pailleron, dans le 19e arrondissement, il déroulait jeudi son "projet d'activation des toits", tandis que derrière lui une classe de troisième était occupée à planter de la mâche dans le potager.
Au-delà de l'agriculture urbaine, pour laquelle des programmes municipaux existent déjà, le candidat envisage un accompagnement des copropriétés et des bâtiments publics pour aménager leurs toitures plates en "espaces de jeux" ou de "pique-nique" par exemple.
- "Droit au ciel" -
Revendiquant un "droit au ciel" pour les citoyens, l'actuel conseiller municipal imagine des "lieux de convivialité associatifs, partagés et pas privatifs". "Je crois que tout le monde a compris la magie des rooftops, mais aujourd'hui ils sont très largement privatisés."
De fait, la plupart des toits accessibles au public dans la capitale sont pour l'instant ceux d'hôtels, bars et restaurants tendance, qui profitent de leur vue imprenable pour justifier des tarifs plus élevés qu'ailleurs.
Au Mama Shelter, chaîne d'hôtels implantée pour la première fois à Paris en 2008, le toit-terrasse relève d'"une vraie volonté d'avoir un extérieur, surtout à Paris", juge Lou Salomé, responsable commerciale de l'établissement installé dans l'Ouest parisien.
"Ca cartonne parce que c'est aujourd'hui ce que les gens recherchent. On est toute la journée dans un bureau... Pouvoir prendre l'air, boire un verre, manger, ça fait tout de suite la différence", ajoute-t-elle.
Une dizaine de rooftops ouvrent chaque année dans la capitale à l'approche de l'été, estime Paul Dufour, créateur de la plateforme événementielle .
A la création de son blog en 2015, l'entrepreneur avait comptabilisé 25 rooftops ouverts au public à Paris, contre "environ 150" aujourd'hui.
Une explosion en 10 ans qui n'a pas échappé aux organisateurs des "Paris Rooftop Days" qui assurent vouloir favoriser l'accès aux toits "au plus grand nombre", relève Sophie Rousset-Rouvière.
A.Edwards--PI