Philadelphia Independent - A Besançon, les chefs d'orchestre se défient à la baguette

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A Besançon, les chefs d'orchestre se défient à la baguette
A Besançon, les chefs d'orchestre se défient à la baguette / Photo: SEBASTIEN BOZON - AFP

A Besançon, les chefs d'orchestre se défient à la baguette

Neuf minutes de Berlioz, autant de Saint-Saëns, et un impitoyable compte à rebours: venus du monde entier, et notamment d'Asie, les candidats du Concours international des jeunes chefs d'orchestre de Besançon s'affrontent à grands coups de baguette dans l'une des compétitions les plus prestigieuses du globe.

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Ils étaient 300, puis 20, puis huit et ne sont plus que trois en lice samedi, avant que le vainqueur ne soit désigné dans la soirée. Qui du Chinois Xie Tianyi (21 ans), du Canado-Américain Kirian Friedenberg (26 ans) ou du Japonais Satoshi Yoneda (29 ans) l'emportera?

Si le Japon a remporté à dix reprises le concours fondé en 1951, la Chine ne l'a encore jamais décroché mais a placé cette année quatre impétrants parmi les 20 derniers finalistes qui se sont mesurés depuis lundi à Besançon.

Dans la splendide Kursaal, au décor de cité thermale de la fin du XIXe siècle, les candidats dirigent un orchestre en conditions réelles, face à un public qui se passionne pour l'issue du match.

L'affrontement prend des allures de course contre la montre: lors de la demi-finale, les huit candidats ont 18 minutes chacun pour remporter l'épreuve du concerto. Un compte à rebours égrène les secondes sur un écran en fond de salle et une impitoyable clochette retentit lorsque le temps est écoulé.

- "Faire vibrer" -

Au programme: neuf minutes de Berlioz et autant de Saint-Saëns. Les musiciens, de l'Orchestre Victor-Hugo de Besançon, ont répété les pièces. Les concurrents, qui les connaissent aussi sur le bout des doigts, devront convaincre par leur capacité à transmettre leur interprétation de l'oeuvre aux musiciens... et au jury. Comme lors d'une répétition, ils s'interrompent pour transmettre leurs consignes aux instrumentistes.

"Quels sont ceux qui vont nous donner le plus d'émotion, qui vont vraiment être des artistes? La difficulté, c'est de faire d'un orchestre de 80 musiciens un seul instrument", décrypte Jean-Michel Mathé, directeur du concours et du Festival de musique de Besançon organisé simultanément.

"Est-ce qu'ils vont comprendre et transmettre leur interprétation et nous faire vibrer?"

Quelques heure plus tôt, les candidats ont passé l'épreuve de l'opéra en dirigeant quatre chanteurs dans Cosi Fan Tutte de Mozart. Difficulté supplémentaire: lever la tête pour diriger les chanteurs sur scène et la baisser pour s'adresser à l'orchestre dans la fosse.

Certains, comme le Taïwanais Brian Liao, multiplient les interactions avec les chanteurs et les commentaires en franglais, pour le plus grand plaisir du public.

Derrière ses grosses lunettes, Xie Tianyi, le plus jeune des 20 finalistes à 21 ans, en fait un peu trop: il bondit derrière son pupitre et chante à gorge déployée avec les chanteurs.

D'autres, plus sobres, osent à peine interrompre la musique.

"Pourriez-vous chanter plus pour vous-mêmes que pour les autres?", demande poliment Satoshi Yoneda, réclamant un peu plus d'intimité dans l'interprétation de la romance mozartienne.

- "Un tremplin" -

De New York à Tokyo, Besançon brille dans la tête des jeunes chefs d'orchestre, depuis que le maître japonais Seiji Ozawa, décédé l'an dernier, l'a remporté en 1959, avant d'effectuer une brillante carrière.

"C'est un concours qui est vraiment reconnu mondialement. Tout le monde au Japon parle de ce concours et c'est aussi un des seuls concours connus aux Etats-Unis", assure à l'AFP Kirian Friedenberg.

Pour le gagnant, "c'est un véritable tremplin: on vous donne une carrière, bam, il y a des portes qui s'ouvrent, qui sinon restent fermées", espère-t-il.

"C'est le concours le plus important au monde", abonde Brian Liao. "Il a une longue histoire, et tous les deux ans il y a un gagnant, et cela ouvre des carrières, pas seulement en Europe mais dans le monde entier".

Cette lumière soudaine n'étant pas toujours facile à gérer, les organisateurs ont mis en place un accompagnement de début de carrière pour le vainqueur. Le Français Swann Van Rechem, qui a décroché la timbale en 2023, en a bénéficié.

Pour Xie Tianyi, c'est aussi "une question d'honneur national". "En tant que Chinois, nous devons défendre l'honneur de notre pays et remporter une récompense supplémentaire".

H.Harris--PI