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"Maximiser son sommeil": des influenceurs nous font rêver
"Maximiser son sommeil": des influenceurs nous font rêver / Photo: Drew ANGERER - AFP

"Maximiser son sommeil": des influenceurs nous font rêver

Se scotcher la bouche pour dormir, n'avaler aucun liquide avant d'aller au lit, mais se gaver de kiwis: des influenceurs en "sleepmaxxing", conseillers en "optimisation du sommeil", inondent les réseaux sociaux de leurs vidéos, mais sans aucun résultat médical avéré, dénoncent des experts.

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Cette tendance "bien-être" et "santé" sur X et TikTok et dans la presse magazine spécialisée a émergé à l'automne, suivie d'une explosion de dizaines de millions de posts en tous genres qui promettent aux mauvais dormeurs de "maximiser" la quantité et la qualité de leur sommeil.

Des influenceurs conseillent donc de prendre des compléments de magnésium et de la mélatonine, d'avaler des kiwis, de s'endormir la bouche scotchée - à 22H00 au plus tard -, de ne surtout rien boire deux heures avant l'heure du coucher, une garantie pour faire de beaux rêves.

Il faut aussi dormir dans une chambre très sombre, bien fraîche, avec un dessus de lit pesant lourd sur tout le corps.

Et pour lutter contre l'un des troubles psychologiques du sommeil les plus graves, le cercle vicieux de l'insomnie et du stress, une vidéo à 11 millions de vues sur X suggère même de garder la tête suspendue au-dessus de l'oreiller grâce à une corde attachée à la tête de lit.

Mais en Chine, après que la presse d'Etat s'est émue cette année qu'une personne soit morte dans son sommeil des suites d'une "pendaison par le cou", des experts tirent la sonnette d'alarme.

- "Ridicule et dangereux" -

Ce genre de pratiques extrêmes du "sleepmaxxing" sont à la fois "ridicules et potentiellement dangereuses" et n'apportent "aucune preuve" médicale et scientifique, s'insurge auprès de l'AFP Timothy Caulfield, qui travaille sur la désinformation à l'université de l'Alberta au Canada.

"C'est un bon exemple de la manière dont les réseaux sociaux normalisent l'absurde", décrypte-t-il.

D'autant que l'insomnie et l'anxiété peuvent être "traitées efficacement de manière non médicamenteuse", souligne le professeur de psychiatrie et spécialiste du sommeil à Harvard, Eric Zhou.

"La thérapie cognitive comportementale peut réduire de manière spectaculaire les symptômes de l'insomnie en l'espace de quelques semaines", a-t-il écrit en mars dans un article de la faculté de médecine de la prestigieuse université en banlieue de Boston.

Quant à se scotcher la bouche pour ne respirer que par le nez et éviter de ronfler et d'avoir mauvaise haleine, aucune étude médicale ne vient le corroborer, critique aussi un récent papier de l'université George Washington.

Cette pratique serait de surcroît dangereuse pour les personnes souffrant, parfois sans le savoir, d'apnées du sommeil.

Kathryn Pinkham, spécialiste au Royaume-Uni de l'insomnie, se dit également "inquiète" de ces "conseils en +sleepmaxxing+ partagés sur des plateformes comme TikTok et qui peuvent être au mieux inutiles, au pire dangereux pour les gens ayant de véritables troubles du sommeil".

- "Sommeil parfait" -

Certes, reconnaissent des scientifiques, vouloir bien dormir fait partie de la quête légitime de notre époque pour le bien-être et la santé.

Mais, pointe le professeur Zhou, "l'orthosomnie", recherche, qui peut tourner à l'obsession, d'un "sommeil parfait", et qui "s'inscrit dans cette culture du +sleepmaxxing+", pose "problème".

"Même les bons dormeurs ont des nuits irrégulières", écrit-il.

Quant à prendre de la mélatonine contre l'insomnie, cela est déconseillé par l'académie américaine de médecine du sommeil qui explique dans un article de 2015 que ce produit pharmaceutique est destiné aux voyageurs adultes en avion afin de réduire les effets néfastes du décalage horaire.

Le "sleepmaxxing" rappelle une autre tendance sur les réseaux: le "looksmaxxing" ou quand des influenceurs vantent des pratiques censées "maximiser" une forme supposée de beauté masculine.

"Beaucoup de ces conseils et +trucs+ viennent de novices et n'ont aucun fondement médical", dénonce l'experte britannique Kathryn Pinkham.

burs-nr/vla

J.Young--PI