

Madagascar: désolation à Antananarivo, un ministre limogé avant un nouvel appel à manifester samedi
Peu après l'entrée en vigueur d'un deuxième couvre-feu nocturne à Antananarivo dévastée par des pillages, le président malgache a annoncé limoger vendredi son ministre de l’Énergie pour tenter de calmer un mouvement de protestation contre les coupures d'eau et d'électricité, qui a appelé à une nouvelle manifestation samedi.
Les protestataires, déjà descendus dans la rue jeudi, sont appelés à se mobiliser via les réseaux sociaux, à travers un mouvement baptisé "Gen Z". Ce dernier reprend à son compte le drapeau pirate tiré de la série japonaise "One Piece", signe de ralliement vu en Indonésie ou au Népal de mouvements de contestation anti-régime.
"J'ai entendu les revendications du peuple majoritaire sur le délestage et les pénuries d'eau. Des revendications qui ont été suivies de pillages et de violences que je condamne fermement", a déclaré le président Andry Rajoelina dans une vidéo enregistrée avec les moyens du bord depuis un endroit non identifié.
Disant avoir "eu les larmes aux yeux" depuis New York (États-Unis) où il s'était déplacé pour l'Assemblée générale de l'ONU, le chef d’État a "constaté que le ministre de l’Énergie ne faisait pas son travail" et a donc dit le limoger.
Installé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État faisant suite à un mouvement de contestation populaire en 2009, Andry Rajoelina a qualifié les événements de jeudi de "factuellement prémédité": "Il s'agit d'actes de déstabilisation et d'une forme de coup d’État", a-t-il accusé.
A la suite de sa prise de paroles, la Gen Z a appelé à défiler samedi à partir de 10H00 depuis l'université d'Antananarivo vers le quartier d'Ambohijatovo, dans le centre de la capitale - celui où les manifestants avaient été bloqués par de multiples barrages jeudi.
"Venez nombreux ! Ramenez vos pancartes ! Et filmez tout ! Manifestation pacifique", interpelle le mouvement, qui s'est désolidarisé des scènes de pillages généralisés de jeudi.
Au total, cinq grandes villes du pays -Antsiranana, Majunga, Toliara, Antsirabe et Antananarivo - sont concernées vendredi par des couvre-feux nocturnes jusqu'à au moins 04H00 du matin, sur décisions des préfets.
A Antsiranana (nord), des vidéos sur les réseaux sociaux montrent des centaines d'étudiants défilant vendredi en portant le corps de l'un d'entre eux, tué pendant les troubles. Ces images ont été confirmées à l'AFP par une source locale.
D'autres rassemblements entrecoupés d'incidents ont été signalés vendredi à travers l'île.
Dans la capitale, des habitants sonnés, pour certains en larmes, ont fait l'inventaire des dégâts occasionnés la veille sur des supermarchés, banques et autres magasins d'électroménager pillés et saccagés la veille.
Un distributeur automatique de billets saccagé, des véhicules calcinés et des vitrines dévalisées témoignent des pillages de la veille, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Si la situation est restée calme dans le centre-ville vendredi, des pillages ont encore été signalés dans la périphérie sud d'Antananarivo.
- "La Gen Z n'a pas cassé" -
L'ambassade de France a recommandé de "reporter pour l'instant tout projet de voyage".
Malgré le déploiement des forces de sécurité et le recours répété à des tirs de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, la situation avait dégénéré jeudi après-midi et dans la soirée dans la capitale.
Les domiciles de trois parlementaires proches du pouvoir ont été incendiés. Une station du téléphérique - un des projets phare du gouvernement, récemment inauguré - a également été incendiée.
"La Gen Z n'a pas cassé", assure un de ses militants, reconnaissable au chapeau vu dans One Piece sur son crâne.
Ce mouvement s'est baptisé en référence à la génération Z, les personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010.
Ce manifestant est venu nettoyer la librairie de son enfance, pillée comme la plupart des commerces du centre commercial Tana Water Front.
"Il se peut qu'ils aient été frustrés. Qu'ils aient été envoyés pour casser. Ils sont déjà pauvres et n'ont rien. Et ils prennent le peu qu'ils voient", juge ce jeune homme préférant garder l'anonymat par peur de représailles.
Au-delà des coupures d'eau et d'électricité, les partisans de la Gen Z réclament le respect de leurs droits fondamentaux.
Âgé de 51 ans, Andry Rajoelina avait été réélu fin 2023 lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, auquel moins de la moitié des électeurs inscrits avait pris part.
En dépit de ses richesses naturelles exceptionnelles, Madagascar reste l'un des pays les plus pauvres de la planète et est classé 140e sur 180 pays dans l'indice de perception de la corruption de Transparency International. Près de 75% de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022, d'après la Banque mondiale.
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G.Green--PI